Le lundi 13 novembre 2006 sera un très grand jour pour plus de dix millions de citoyens marocains, soit le tiers de la population du Royaume.
Ce jour-là, en effet, sous l’égide du Premier ministre, M. Driss Jettou, en présence notamment de M. Adil Douiri, ministre du Tourisme, de l’Artisanat et des Affaires Sociales et de M. Salaheddine Mézouar, ministre de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à Niveau de l’Économie, sera solennellement signée la Convention portant création du système de couverture et d’assistance médicale au profit des Indépendants.
Cette catégorie, qui englobe toutes les situations relevant du secteur libéral, concerne donc les artisans, les commerçants, les gérants non-salariés de leurs sociétés, les professions libérales, (médecins, avocats, notaires, pharmaciens), mais aussi les guides touristiques, les « compagnons » d’artisans, les travailleurs du secteur informel comme les tisseuses de tapis, les petits boutiquiers, voire les marchands ambulants et autres portefaix.
Ce régime de couverture du secteur libéral, qui touchera donc à terme le tiers des Marocains, sera réalisé grâce à un travail très conséquent du gouvernement Jettou, notamment au niveau de la Primature et du Département de l’Artisanat, mais aussi des opérateurs privés du secteur des assurances et de la Direction des Hôpitaux auprès du ministère de la Santé Publique.
Il nécessitera le vote d’une Loi qui sera présentée avant la fin de l’actuelle session parlementaire, des modifications importantes du Code des Assurances et divers arrêtés ministériels pour une mise en œuvre à partir de 2007. Il imposera donc l’obligation d’une couverture médicale minimale pour toute personne travaillant dans le secteur libéral, à l’exclusion donc des salariés déclarés à la CNSS, des fonctionnaires de l’Etat et des entreprises publiques, mais également des indigents qui seront pris en charge très prochainement par le RAMED.
Une obligation et trois contraintes
Pour sa mise en place, le gouvernement et ses partenaires ont dû faire preuve d’imagination afin de trouver des solutions en adéquation avec les moyens financiers des futurs assurés. Il s’agira d’une obligation pour tous les assujettis et leurs employeurs, assortie de la liberté de choix au niveau des offres de couverture médicale qui seront proposées par des compagnies d’assurances privées liées à l’Etat par des conventions aux prescriptions très strictes.
Dans la constitution de ce système de couverture médicale des indépendants, il fallait gérer le parti pris préalable d’imposer ce système à tous et trois contraintes. La première s’exprimait à travers la nécessité d’une couverture non seulement pour les travailleurs indépendants eux-mêmes, mais pour leurs familles également. La seconde portait sur la couverture des vrais risques de santé, les maladies lourdes, les affections de longue durée, les accouchements, plutôt que la couverture des petits «bobos» quotidiens, des rhumes et autres grippes de saison. La troisième contrainte, enfin, portait sur la hauteur des cotisations, sachant que le secteur libéral englobe des situations sociales très différentes et des amplitudes de revenus importantes.
En validant les modes de fonctionnement du système, l’Etat, qui n’apportera pas pour le cas d’espèce sa garantie financière, a tenu à imposer un cadre d’opérabilité très strict entre les prestataires de cette couverture médicale et les bénéficiaires. C’est ainsi qu’une construction à trois niveaux a été prévue mettant en relation les assureurs, les vendeurs de contrats d’assurance maladie et les souscripteurs.
Un ticket d’entrée abordable
Ainsi, un artisan, un commerçant, voire un avocat ou un médecin (lesquels ne s’estimeraient pas satisfaits des couvertures facultatives qu’ils peuvent avoir aujourd’hui), mais aussi un vendeur ambulant ou une tisseuse de tapis de Fès, un guide touristique à Marrakech, souscriront à cette couverture médicale qui sera proposée dans un premier temps par un consortium composé de Wafa Assurances, filiale d’Attijariwafa bank et de Barid Al Maghrib. Mais on sait déjà qu’il ne sera pas le seul puisque d’autres choix sont en cours de finalisation entre le gouvernement et des opérateurs institutionnels d’importance.
Le bénéficiaire sera libre de choisir entre trois produits de couverture (voir encadré), mais pour optimiser la distribution du produit aux plus démunis du secteur libéral, il a été prévu un partenariat institutionnalisé entre l’assureur, (Wafa Assurances), le vendeur (Barid Al Maghrib) et trois grandes associations de microcrédit, Al Amana, Zakoura et la FONDEP qui seront les souscripteurs auprès du consortium. Il leur reviendra ensuite, grâce à des facilités de crédits qu’elles accorderont à leurs membres, de régler trimestriellement le montant des cotisations à l’assureur.
Afin de donner la possibilité concrète de cette couverture à tous les travailleurs du secteur libéral, l’Etat a consenti de réels sacrifices financiers en exonérant la première option de cette couverture médicale de la taxe d’assurances, comme cela est déjà prévu dans le projet de Loi de Finances 2007. Par ailleurs, le texte de loi instituant ce système ne permettra pas de prestataire exclusif pour les produits de couverture et laissera aux compagnies d’assurances et aux mutuelles, l’opportunité de faire des offres aux souscripteurs dans les limites des conditions minimales fixées par la Loi en question. Pour la mise en route qui s’opèrera avec Wafa Assurances et Barid Al Maghrib, la convention qui sera signée le 13 novembre, impose le gel de la tarification des cotisations durant trois années, mais également un panier de prestations qui garantira que les bénéficiaires ne seront pas couverts par des assurances au rabais. On rappellera que cette opération de partenariat entre opérateurs privés d’assurance et l’Etat pour un système de couverture médicale au profit du secteur libéral a été réalisée après une procédure d’appel d’offres qui a retenu Wafa Assurances et Barid Al Maghrib, alors que l’innovation majeure et le réel progrès social qu’il représente n’avaient pas semblé intéresser au départ la plupart des compagnies de la place.
Après l’AMO pour les salariés et le RAMED pour les indigents, le gouvernement Jettou réalise ainsi l’une des opérations majeures de son mandat social de la législature, à inclure donc impérativement dans le bilan flatteur et positif d’une équipe gouvernementale qui a également à son actif la réussite du plan de financement du logement social avec le Fogarim et la réforme unificatrice du système des retraites pour le public et le privé.
Tirer parti de ces avancées sociales
À quelques mois donc des élections législatives, M. Driss Jettou et les partis politiques qui constituent sa majorité parlementaire peuvent incontestablement se targuer d’avoir réalisé, sous l’égide et l’impulsion personnelle de SM Mohamed VI, les plus grandes avancées sociales des cinquante dernières années !
Mais, sauront-ils seulement communiquer sur ces acquis qui, entre l’AMO et le système des Indépendants, profiteront à 20 millions de Marocains, aux deux tiers de la population du pays ? Pourront-ils en tirer un légitime bénéfice politique et électoral ?
Fahd Yata
« Chifaa Assassi, Moutakamil ou Chamil »…
La convention de partenariat qui sera signée le lundi 13 novembre prochain entre Wafa Assurances, Barid Al Maghrib et les trois associations de micro-crédit Al Amana, Zakoura, la Fondep, sous l’égide de la Primature, du ministère du Commerce et de l’Industrie et de celui du Tourisme et de l’Artisanat prévoit trois produits de couverture médicale obligatoire pour les Indépendants du secteur libéral (qui comprend beaucoup d’informel, évidemment).
Le produit de base, appelé « Chifaa Assassi » peut être considéré comme un modèle du genre par rapport aux avantages qu’il comporte et aux tarifications qu’il propose. Contrairement aux assurances complémentaires facultatives actuelles, il n’impose aucun plafond de couverture annuelle, alors que ces dernières prévoient le plus souvent un montant maximal de 25 000 dirhams par an. Le bénéficiaire sera couvert à hauteur de 90 % de ses frais d’hospitalisation médicale et chirurgicale, y compris de jour (pour les dialyses par exemple), pour ses frais en médicaments et analyses en milieu hospitalier, mais également pour les analyses hors hospitalisation, pour le suivi des affections longue durée (diabète, hypertension, etc) ainsi que pour les accouchements (y compris les césariennes). Le ticket modérateur ne devra pas dépasser 300 dirhams qui seront donc payés par le bénéficiaire de l’assurance Chifaa Assassi et il lui en coûtera une cotisation mensuelle (exonérée de la taxe d’assurance) de 45 dirhams par adulte et 36 Dhs par enfant (de moins de 18 ans).
Le second produit proposé par Wafa Assurances et commercialisé par la Poste Maroc, du nom de « Chifaa Moutakamil », correspond pratiquement aux prestations servies dans le cadre de l’AMO aux salariés du secteur privé. Il sera plafonné à 200 000 dirhams annuels par personne et imposera une cotisation mensuelle, avec taxe d’assurance comprise, de 80 dirhams par adulte et 70 Dhs par enfant.
Le troisième et dernier produit de cette couverture médicale obligatoire pour les Indépendants, telle que mise en œuvre par les opérateurs cités plus haut, considéré comme l’offre Premium, s’appelle « Chifaa Chamil ». Il prévoit un plafond de 200 000 dirhams annuels par personne, contre une couverture comprise entre 70 % et 100 % de la plupart des soins hospitaliers et ambulatoires. Il en coûtera une cotisation de 100 Dhs mensuels pour les adultes et de 80 Dhs pour les enfants.
FY